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28/01/2016

Quand nous serons heureux ...en poche

"Alors voilà, aujourd'hui, c'est toi qui entres dans ma vie, et je te préviens, pas de coup bas, je mise tout sur toi, t'as intérêt à assurer, t'entends ? "

C'est quand le bonheur ?, demandait il y a quelques années Cali. Les héros des nouvelles de Carole Fives  ont déjà compris qu'il était loin d' eux, le bonheur normatif vanté dans les magazines. Mais ils essaient tant bien que mal de le trouver, en déployant des stratégies balbutiantes  (tout annuler, même les annulations !, par exemple), vouées à l'échec ou à la souffrance.
Certains sont dans le déni, d'autres doivent affronter des discours dénués d'inhibition qu'ils subissent sans répondre directement, ce qui en accentue encore la cruauté mais aussi l'humour noir. Car de l'humour il y en a dans ces nouvelles, aussi bizarre que cela puisse paraître ! J'ai beaucoup souri en lisant ces textes qui pourraient être plombants mais dont j'ai aimé le côté désabusé/fataliste- mais- on -tient- le- coup- quand -même.carole fives
Certains personnages réapparaissent fugacement dans d'autres textes et un Vernissage permettra même de voir leur évolution au fil des paroles glanées, mettant ainsi une touche finale au monde créé par Carole Fives au fil de ses textes.
Quant aux dernières pages,sobrement intitulées Tes nouvelles, elles constituent une mise en abîme réjouissante où une amie "bien intentionnée" ne peut s'empêcher de critiquer le côté "si noir, si glauque" des "machins" que nous venons de lire, s'efforçant même de donner à l'auteure des conseils pour réussir comme "Lucia Espagnolita" ou Paulo Coehlo...Une manière particulièrement originale d'anticiper les reproches mais aussi de refuser les conseils (comme le personnage féminin de Tandis que vous ) et de se positionner loin des stratégies de certains auteurs...

13/02/2015

Camille Claudel, la vie jeune

"Ce que j'aime, c'est le silence des musées, leur halo rassurant, et les œuvres des anciens, qui semblent veiller sur nous, comme nous veillons sur elles."

Une œuvre d'art peut-elle influencer nos vies ? Carole Fives avec Camille Claudel, la vie jeune, nous montre en tout cas ,dans ses nouvelles ,que le buste de la Petite Châtelaine, exposée à La Piscine de Roubaix peut jouer le rôle de révélateur auprès des multiples visiteurs, attentifs ou pas , qui croisent son regard .carole fives
En quelques pages, très denses, ce sont des destins qui se jouent et des tonalités très différentes qui s'offrent à nous: tour à tendres, irrévérencieuses, voire iconoclastes  (au sens propre du terme !), ou pleines d'humour (la visite du musée par une classe agitée est particulièrement bien croquée)* ,les pages se dévorent à belle allure!
L'art est bien évidemment au cœur des réflexions que suscite La petite Châtelaine , regrets d'avoir sacrifié ses ambitions artistiques, coups de griffes contre ceux qui utilisent le musée comme un décor à des manifestations vides de sens.
Mais aussi l'enfance. Car c'est bien d'une petite fille qu'il s'agit et à travers elle s'établit ,par delà les années ,un dialogue fort et émouvant entre la narratrice du dernier texte et Camille Claudel."Aide-moi Camille. Tu es passée par là toi aussi. Ils disent fausse couche ou avortement, on ne sait pas. Ils disent que tu es allée là-bas pour te reposer, au château d'Islette. Est-ce Grodin qui t'a forcée ?  Ou étais-ce toi qui avais peur, peur comme j'ai peur aujourd’hui ? Comme cette peur que tu as insufflée dans le visage de cette fillette ? Je peux comprendre ça. Se contenter d'enfants de pierre. De papier en ce qui me concerne. Ne pas s'embarrasser de la chair, des langes, de la bave, de la merde . Et je peux comprendre aussi l'envie de le garder.Une autre forme de création. Comparer les deux est ridicule. Est-ce qu'on demande à un homme si la naissance d'un enfant l'empêchera de créer ? "
La voix de Carole Fives s'affirme de livre en livre, s'autorise à la fois à être plus tendre et plus acérée, et bouder ces textes sous prétexte qu'il ne s’agit pas d'un roman serait une grosse erreur !

Un coup de cœur!

 Camille Claudel, la vie jeune, Carole Fives, Éditions Invenit 2015, 65 pages pleines de vie et d'émotions.

 * Les enfants y décrivent , entre autres,  les anglaises de la fillette comme étant des dreadlocks et cette semaine ,sur France Inter, j'ai pouffé en entendant la rediffusion d'une archive où une journaliste au ton pincé décrivait la chevelure de Bob Marley comme "des anglaises frisées" (sic) ! La boucle est bouclée !

05/01/2015

C'est dimanche et je n'y suis pour rien

"Le mort est le compagnon idéal, jamais jaloux, hargneux, mal luné, le mort ne vous décevra jamais. Il vous laissera lui tailler son costume de héros."

Léonore, la quarantaine venue, entreprend un voyage au Portugal , pays de son amour de jeunesse, tragiquement disparu.carole fives
Elle n'a rien construit, a abandonné ses rêves de peinture et semble caparaçonnée dans la culpabilité d'un passé douloureux.
Ce voyage, suivi au jour le jour, lui permettra-t-il de prendre son envol et de faire la paix avec elle -même ?
Dans un style à la fois enjoué et sensible, Carole Fives entrelace passé et présent, faisant revivre avec acuité les sentiments exacerbés de la jeunesse. Nous suivons pas à pas son héroïne, comprenons ses réticences, ses peurs et découvrons aussi tout un pan trop mal connu de notre histoire: celle des Portugais venus s'installer en France.
Un roman qui fait battre le cœur mais ne sombre jamais dans le pathos. Une réussite qui confirme tout le bien que j'avais déjà écrit sur les différentes œuvres de Carole Fives !

C'est dimanche et je n'y suis pour rien, Carole Fives, l'arbalète , Gallimard 2015.

clic, clic clic et reclic.

01/09/2013

Que nos vies aient l'air d'un film parfait...en poche

"Des mots qui forcent le passage, qui entrent dans la tête pour t'obliger à faire ce qu'ils disent..."

Un petit frère, une grande soeur, victimes collatérales du divorce de leurs parents. La mère , peu équilibrée et très manipulatrice, le père , aimant mais dépassé par les événements, la soeur, qui bien malgré elle va causer l'éloignement de la fratrie, prennent tour à tour la parole. Chacun présente sa version des faits, seul le cadet se tait. Pendant de longues années. La dernière partie du roman , sous forme de lettre viendra remettre en perspective cette séparation.carole fives
Très peu de pages, 119, mais une émotion à fleur de peau et une écriture qui tord le coeur du lecteur. Un livre  avec en toile de fond les années 80 et en bande sonore les ritournelles pop sucrées et légèrement désenchantées de cette époque. Un de mes coups de cœur de la rentrée littéraire 2012 !

30/07/2013

Honte de tout

"Ok pour être un homme, mais pas comme lui. Pas comme mon père."

Honte de tout, ils ont ! Rémi, Sofian, Jeanne et les autres, des ados  en pleine mutation, le regard des autres, les réflexions et le comportement trop con des parents en prime !
Dans ces seize nouvelles, ils prennent la parole avec une lucidité aiguë car, s'ils sont empêtrés dans leur corps et leur identité sexuelle, ils analysent finement les situations. Qu'ils soient issus de l'immigration , qu'ils fassent partie des "tuyaux de poêle, des Groseille, ce qui veut dire des gens sans manières, sans gêne", ou d'une famille monoparentale qui a du mal à couper le cordon, ils paraissent parfois plus mûrs que leurs parents.carole fives,adolescents
Beaucoup d'humour aussi dans ces textes ( où les anciens adolescents se reconnaîtront sans doute !), de sensibilité et de tonalités très variées . Le premier texte, "Cette connerie de virginité", est aussi le plus dérangeant, car on reste quelque peu estomaqué par la crudité des messages SMS, mais bon, ça fait partie aussi de le la violence due à l'âge, et l'on ne sait si on doit rire jaune de cette ado qui affirme avec sérieux "Je ne voulais pas figurer dans les vieilles filles de la classe, je devais passer ce cap. Je devais coucher." Elle n'est qu'en 4 ème quand même...Les adultes ne pratiquant pas Facebook découvriront aussi la brutalité et les implications de la rupture via les réseaux sociaux, bref, ils mettront un pied dans cet univers en perpétuel changement et comprendront peut être un peu mieux ces êtres ronchons et mal lunés qui vivent à leurs côtés.
Une écriture vive et pleine d'empathie, une auteure qui ne rit jamais de mais avec et un panorama plutôt réjouissant de ces homards, comme les appelait Françoise Dolto.
Piqueté de marque-pages, in-dis-pen-sable !

Honte de tout, éditions Thierry Magnier 2013, Carole Fives, 150 pages jamais trash !

03/09/2012

Que nos vies aient l'air d'un film parfait

"Des mots qui forcent le passage, qui entrent dans la tête pour t'obliger à faire ce qu'ils disent..."

Un petit frère, une grande soeur, victimes collatérales du divorce de leurs parents. La mère , peu équilibrée et très manipulatrice, le père , aimant mais dépassé par les événements, la soeur, qui bien malgré elle va causer l'éloignement de la fratrie, prennent tour à tour la parole. Chacun présente sa version des faits, seul le cadet se tait. Pendant de longues années. La dernière partie du roman , sous forme de lettre viendra remettre en perspective cette séparation.carole fives,divorce
Très peu de pages, 119, mais une émotion à fleur de peau et une écriture qui tord le coeur du lecteur. Un livre  avec en toile de fond les années 80 et en bande sonore les ritournelles pop sucrées et légèrement désenchantées de cette époque. Un de mes coups de coeur de cette rentrée littéraire !

Que nos vies aient l'air d'un film parfait, Carole Fives, Editions le passage 2012.

Du même auteur: clic et reclic !

 

07/05/2012

ça nous apprendra à vivre dans le nord

"Les livres, c'est un peu comme les chiens qu'on ne connaît pas, faut pas leur montrer qu'on a peur, après ils en profitent."

Au fil de rencontres dans des cafés, de discussions à bâtons rompus, les deux auteures tentent d'avancer dans leur commande d'écriture à quatre mains sur un quartier lillois, autrefois ouvrier, celui de Fives. Entrecoupé de témoignages d'habitants, ce work in progress plein d'humour nous livre, mine de rien plein d'infos sur le passé de ce Nord ouvrier et nous montre les repentirs, les hésitations, les appréhensions, voire les révoltes de nos écrivaines qui hésitent à trouver leur place , quelque part entre Lucien Suel et Marie-Paule Armand (auteure régionale, du terroir) !
Stimulant et plein d'entrain !amandine dhée,carole fives

Quelques citations au passage : "Quand t'es née dans le Nord, t'as forcément des ouvriers qui se raccrochent désespérément aux branches de ton arbre généalogique, un sandwich à l'omelette à la main."

"-Très important la dignité ouvrière . mais je t'avoue que ça me crée des angoisses. Dès que j'écris sur le passé, j'entends  les gros sabots des besogneux d'avant qui s'agitent dans mon dos. ça renifle, ça toussote, ça joue les humbles . Non, pas besoin de chaises, vous embêtez pas...mais je sais qu'ils partiront pas."

Editions la Contre-alée 2011, 85 pages à découvrir même si on n'est pas du Nord !

L'avis de Mirontaine

16/04/2012

Quand nous serons heureux

"Alors voilà, aujourd'hui, c'est toi qui entres dans ma vie, et je te préviens, pas de coup bas, je mise tout sur toi, t'as intérêt à assurer, t'entends ? "

C'est quand le bonheur ?, demandait il y a quelques années Cali. Les héros des nouvelles de Carole Fives  ont déjà compris qu'il était loin d' eux, le bonheur normatif vanté dans les magazines. Mais ils essaient tant bien que mal de le trouver, en déployant des stratégies balbutiantes  (tout annuler, même les annulations !, par exemple), vouées à l'échec ou à la souffrance.carole fives
Certains sont dans le déni, d'autres doivent affronter des discours dénués d'inhibition qu'ils subissent sans répondre directement, ce qui en accentue encore la cruauté mais aussi l'humour noir. Car de l'humour il y en a dans ces nouvelles, aussi bizarre que cela puisse paraître ! J'ai beaucoup souri en lisant ces textes qui pourraient être plombants mais dont j'ai aimé le côté désabusé/fataliste- mais- on -tient- le- coup- quand -même.
Certains personnages réapparaissent fugacement dans d'autres textes et un Vernissage permettra même de voir leur évolution au fil des paroles glanées, mettant ainsi une touche finale au monde créé par Carole Fives au fil de ses textes.
Quant aux dernières pages,sobrement intitulées Tes nouvelles, elles constituent une mise en abîme réjouissante où une amie "bien intentionnée" ne peut s'empêcher de critiquer le côté "si noir, si glauque" des "machins" que nous venons de lire, s'efforçant même de donner à l'auteure des conseils pour réussir comme "Lucia Espagnolita" ou Paulo Coehlo...Une manière particulièrement originale d'anticiper les reproches mais aussi de refuser les conseils (comme le personnage féminin de Tandis que vous ) et de se positionner loin des stratégies de certains auteurs...

Quand nous serons heureux, Carole Fives, Le passage 2010, 158 pages qui m'ont donné la pêche  !

Ps: j'ai eu la chance récemment d'entendre Carole Fives au Bateau-Livres à Lille. Elle nous a lu un poème inédit intitulé Cancer et c'est cette tonalité si particulière qui m'a donné envie de découvrir son univers ! Une  réussite !

Ce roman a reçu le Prix Technikart 2009, présidé par Alain Mabanckou.

L'avis , plus mitigé, de Clara.